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Ville Urbanisme Maroc

Rabat: Un patrimoine en péril

26 Juin 2006, 22:52pm

Publié par Mohammed EL MALTI

La ville de Rabat est un modèle d'urbanisme moderne du vingtième siècle. Elle a été conçue selon un tracée ingénieux alliant la rigueur fonctionnelle à la mise en valeur du patrimoine. Elle rassemble des édifices, parmi les plus beaux exemples d'une écriture architecturale unique au monde, résultat de l'utilisation intelligente d'un vocabulaire architectural, méticuleusement répertorié à travers tout l'occident arabo-muslaman par des architectes de génie.

Malheureusement, au fil des ans, le citoyen de Rabat et les amoureux  de ses chefs d'oeuvres architecturaux  assistent, impuissants, à la destruction de ce patrimoine par l'action imperturbable des spéculateurs et sous l'oeil insensible de tous les responsables des affaires de la ville et du Ministère de la Culture, le premier "gardien du temple" du patrimoine.

Le plan d'aménagement de la ville de Rabat définit pourtant l'ensemble de l'intra-muros Almohade comme une zone de sauvegarde dans laquelle toute transformation ou démolition et même toute nouvelle construction sont soumises à une procédure impliquant tous les départements locaux et centraux concernés.  

On a vu dénaturer certains édifices, notamment des bâtiments publics, démolir d'autres et laissé le reste dans un état de délabrement qui ne présage rien de bon pour ce patrimoine partagé qui peut, et doit être considéré comme patrimoine national, au même titre que l'architecture Almohade, Sadienne ou Alaouite.

Le dernier acte en date de ce "génocide patrimonial" en cours est la démolition d'un édifice situé sur la Place de l'Unité Africaine. Il représentait, avec un autre situé non loin sur la Place du Golan et qui a été totalement dénaturé par une surélévation inappropriée, deux des édifices les plus représentatifs d'une architecture domestique privée de style art déco à Rabat.

J'ai été d'autant plus choqué par ce gâchis que je reviens d'un long voyage dans le nouveau monde, là où  le patrimoine est apprécié à sa juste valeur. J'ai eu à me rendre compte de l'état de désolation de la Nouvelle-Orléans après l'ouragan Katrina qui, malgré sa puissance dévastatrice, n'a pas entamé l'attachement de sa population à l'âme de la ville qui est incarnée par son architecture, par son urbanité, par sa joie de vivre.
      
Le patrimoine est une composante à part entière du développement durable en ce sens que sa préservation assure un sentiment d’appartenance à une culture, à une civilisation ; et ce n’est pas une denrée renouvelable. Il est totalement irresponsable, vis-à-vis de nous-mêmes et des générations marocaines futures, de croire que nous en avons suffisamment et que nous pouvons en consommer à loisir comme nous le faisons pour notre eau, nos forêts et nos ressources naturelles.

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M
Cher SaïdMerci  pour ton commentaire. Oui, tu as raison, j'ai parlé du "citoyen" et de l'"amoureux" des chef-d'œuvres architecturaux de Rabat, mais j'ai omis de parler des militants du patrimoine. Il y en a dans quelque média, dans la société civile et même dans l'administration. Malheureusement, ils sont peu nombreux et leur action reste limitée et ponctuelle, même si elle abouti parfois, surtout dans une ville au patrimoine aussi riche que Rabat. Je pense que tu seras d'avis avec moi que des actions militantes individuelles sont nécessaires, mais certainement pas suffisantes. Je vais me permettre, même si cela peut être un peu inapproprié en ces temps de malheurs que sont en train de vivre nos frères au libanais et palestiniens suite aux agressions sauvages de l'armée sioniste, d'emprunter des termes guerriers pour décrire la situation de l'action militante pour la préservation et la sauvegarde du patrimoine architectural.Pour mener une bataille, on a besoin de stratèges, d'une avant-garde, d'une armée, mais surtout d'un appui populaire et citoyen. Combien de guerres ont été perdues par défaut d'un de ces éléments, et surtout du dernier, la preuve nous est donnée en Iraq, en Palestien et au Liban. La défense du patrimoine est une action collective qui exige une sensibilisation, une prise de conscience, une vigilance et une mobilisation permanentes, car le rouleau compresseur, ou plutôt les engins destructeurs de la spéculation, sont eux à l'affût et toujours prêts à intervenir.Merci de me rappeler l'action militante que nous avions menée ensemble pour la Rue des Consuls et qui a fait l'objet de l'article édifiant que tu as publié dans la presse et dont tu m'envoies une copie. Tu m'as demandé d'en faire le meilleur usage. Je te propose de le publier sur mon blog et le livrer à mes visiteurs comme illustration de l'exception qui confirme la règle dans l'action de lutte pour la protection du patrimoine. Du fait de sa longueur, je vais me permettre de le publier en plusieurs fois. J'espère que tu n'y vois pas d'inconvénients.
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S
Cher ami,<br /> Cher ami,<br /> <br /> Si je réagis aujourd’hui, c’est principalement sur le contenu du point de vue consacré à "Rabat. Patrimoine en péril". J’adhère au fond de l’article, c’est évident. Je voudrais toutefois apporter quelques informations complémentaires et précisions sur le contexte et les conditions dans lesquels ce patrimoine disparaît progressivement et dire qu’il n’y a pas vraiment de mutisme des citoyens de Rabat. <br /> <br /> Il est en effet très fréquent que la presse quotidienne allant du "télégramme" du journal "l’Opinion" aux éditoriaux d’hebdomadaires ou de mensuels, rendent compte des interrogations, des critiques, des dénonciations et surtout, me semble-t-il du désarroi vis-à-vis du saccage auquel est malheureusement soumis le patrimoine architectural et urbain. Comme il n’y a de presse que mercantile dans ce domaine, archi-truc et archi-machin, il n’y a rien à en attendre. <br /> <br /> C’est pour cela que je pense qu’un blog, tel celui que tu as patiemment et passionnément construit, est le lieu d’échange idéal de dialogue, de concertation et de partage dans un domaine complexe qui met en jeu une multitude d’intérêts matériel et symbolique.<br /> <br /> Je t’envoie donc une réaction, assez longue et qui ne peut se situer comme un commentaire. Réaction accompagnée d’un texte (de cinq pages) que j’avais fait paraître dans la presse, au sujet des périls qui menaçaient le patrimoine de Rabat - en l'occurence la Rue des Conseils, l'artère historique la plus ancienne de la médina. Je suis persuadé que tu trouveras la meilleure solution pour insérer, selon les impératifs mêmes de ton blog, la réaction, le texte paru dans la presse et les quelques illustrations significatives qui les accompagnent. D’avance, je t’en remercie.<br /> <br /> Bien cordialement <br /> Said Mouline<br />
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